Détachement et lâcher-prise Pratiquer Vayragya en yoga

Les pratiquants de yoga avertis savent qu’à l’origine de leur pratique bienfaisante, se trouve généralement un fameux passage ou aphorisme des Yoga-Sutra de Patanjali….

Cet ouvrage vieux de 2500 ans environ, représente l’une des origines de la tradition indienne du yoga et  nous dévoile toutes les richesses et la sagesse universelle de cette discipline, bien éloignée de l’image occidentalisée d’un enchainement d’exercices corporels. 

Le tapis est finalement le lieu de mise en pratique de toute la philosophie du yoga et, guidé par son enseignant, en le sachant ou pas, les élèves effectuent chaque asana dans l’esprit des règles de cette philosophie. C’est en cela que ce n’est pas une gym, mais un outil de transformation intérieure et un mode de vie.

Je tenterai ici de simplifier la pensée de Patanjali afin d’expliquer comment et pourquoi le yoga peut nous permettre d’aller mieux en nous sentant plus « détaché » de ce qui par habitude nous perturbe, nous envahit ou nous attriste.…Mettre en pratique le lâcher-prise, tout un programme !

 
 

Reprenons la notion « Vayragya » que Pantanjali traduit par le renoncement, le non-attachement (=détachement) et que nous comprenons et utilisons aussi sous le terme de « lâcher-prise »

Un petit plaisir que l’on s’accorde, un désir que l’on assouvit ou la sensation positive du résultat qu’il nous procure, sont des formes d’attachement. En effet, ayant eu la connaissance de ces sensations ou émotions positives, nous en devenons dépendants puisque nous sommes ainsi faits que nous voudrons à nouveau retrouver cet état de satisfaction ou de plaisir.

Patanjali nous dit dans le sutra II.7. Le désir de prendre est lié à la mémoire du plaisir. 

Si l’intérêt et l’envie sont des moteurs puissants dans nos vies (puisque on ne fait rien sans intérêt, et qu’il n’est pas question ici de définitivement les oublier) comprenons que ne pas pouvoir s’empêcher de répondre à ses désirs ou formes d’attachement peut conduire à des conflits ou difficultés diverses : accumulations d’objets et biens inutiles, relations sans lendemain, ou excès de nourriture en sont quelques exemples.

On sent aussi parfois que les aversions, les peurs, les fausses idées perturbatrices ou les souvenirs nous paralysent, nous bloquent, nous empêchent d’avancer en nous y «attachant ».

Dans la même logique, et même  si le raisonnement à ce stade peut paraître « tiré par les cheveux » aux novices de la philosophie yogique : étant donné que nous sommes attachés aux êtres que nous aimons, à nos enfants ou conjoints, ou même aux biens matériels tels que nos maisons, nous vivons toujours plus ou moins dans la peur de les perdre. S’attacher à un être risque donc d’engendrer de la douleur car rien n’est permanent, ni cet être, ni la relation établie. Et nous savons bien au fond de nous que tout est impermanent. Il n’est pas si facile de comprendre ce que signifie aimer, mais sans attachement,  le yoga nous y invite…

Le sutra I.15 explique un peu plus la notion de Vairagya : Le détachement (non-attachement) est induit par un état de conscience totale qui libère du désir face au monde qui nous entoure. 

Cette perception du monde peut être réelle (liée à nos sens) ou liée à notre imagination.Dès lors, on peut dire que lorsqu’il n’y a plus d’attirance pour les objets offerts à nos sens et les désirs imaginaires, en parfaite conscience, il y maîtrise du lâcher-prise.


Toutes ces notions peuvent vous paraître abstraites, mais de simples exemples les illustrent : Si vous rêvez d’être sur la plage ou à votre séance de yoga lorsque vous êtes au travail, vous subirez la douleur d’un désir insatisfait;  si vous désirez des qualités chez votre conjoint et qu’il ne les a pas, des frustrations insurmontables pourraient apparaître et vous empêcher de mener une vie sereine. Au contraire au sujet des sensations négatives qui envahissent et dont on ne peut se défaire,  il suffit d’observer que les événements que nous subissons en raison de la crise sanitaire actuelle (sans pouvoir les changer) mériteraient que l’on arrive plus facilement à s’en détacher. Ceux qui l’ont compris vivent ces moments difficiles avec plus de recul et détachement et sont donc moins affectés ou souffrants. 

Et oui le yoga peut aussi nous aider à mieux surmonter tout cela ! Nous allons à présent essayer de voir comment.

Sans détailler plus ici, il faut quand même savoir que le texte de Patanjali nous dit clairement que le détachement est le fruit de la pratique persévérante (abhhyasa) et que c’est l’addition de ces deux actions (pratique persévérante + détachement ) qui nous permettra de contrôler les activités du mental. La notion de « pratique » selon Patanjali étant très éloignée de celle de nos esprits occidentaux (elle est spirituelle notamment) que je ne vais pas pouvoir me baser dessus dans ce texte bref pour démontrer que le yoga nous aide à lâcher-prise.

On retiendra au préalable que le détachement est le but, non la méthode, et cela nous permettra de moins nous mettre « la pression » , bien sûr totalement contre-indiquée pour arriver à lâcher-prise !

  • Le yoga nous invite à vivre le lâcher-prise dans le corps. Tout d’abord la pratique nous apprend à nous observer : nous allons découvrir notre façon de nous tenir, de respirer, de marcher, ou de garder la mâchoire serrée et comprendre que ces habitudes agissent sur notre état de santé et émotionnel.

  • Avec la pratique des asanas et exercices de respiration (pranayamas) petit à petit nous allons « déloger » ces habitudes, et enlever tous les obstacles afin de retrouver fluidité et énergie. Laisser aller en relâchant, relâcher un lien qui retient dans le corps c’est tout cela, qui nous permet de vivre cette expérience puis de savoir la retrouver en soi.

  • Pour lâcher ce qui perturbe, il faut savoir sur le tapis puis à tout moment de la journée, être dans l'instant présent et dans l'observation de la respiration, des émotions, des sensations que vous vivez ici et maintenant. La pratique de la méditation (qui est l’un des 8 piliers du yoga) nous l’apprend concrètement et elle fait partie de nombreuses séances de yoga.

  • La maîtrise de l’expiration et tout ce qu’elle induit est fondamentale tant sur le plan physique que psychique, notamment par l’intermédiaire du système parasympathique et de son nerf vague. Il part du cerveau et va jusqu’au système gastro-intestinal en passant par tous les organes vitaux et le diaphragme, principal muscle respiratoire. Une expiration profonde active ce nerf et véhicule ainsi tout naturellement des influx de détente et relâchement. Le pranayama « Anuloma Ujjay » par exemple, en venant installer de profondes expirations par narines alternées, est un excellent exercice pour le détachement.

  • Se placer en « témoin » de ce qui nous arrive et ne pas s’identifier à ses pensées et ses émotions : le yoga nous aide au discernement et à la clairvoyance grâce à l’apaisement de l’esprit. Ainsi les événements qui pourraient nous perturber se détachent plus naturellement, c’est tout comme si on les voyait de plus loin, comme un point qui s’éloigne et devient de plus en plus petit.

  • Les pratiques douces, qui invitent à l’instrospection ou la méditation, comme le yoga nidra, le yin yoga ou ce qui est proposé dans mes « séances du soir », permettent de comprendre et vivre pleinement le détachement.


Mais comme toujours en yoga, on ne peut comprendre tout cela qu’en faisant l’expérience ! 

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